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30 octobre 2017

La nuit où Dylan tourne le dos au folk

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Un tsunami dans la musique.

Le soir du 25 juillet 1965, la scène du festival folk de Newport est le témoin médusé d'un événement qui met le monde musical cul par dessus tête. Cette soirée là, quand Bob Dylan investit le podium de la manifestation, personne n'imagine alors que le folk-singer contestataire, adulé aux quatre coins de la planète folk, va être accusé de haute trahison par les mêmes qui l'ont précédemment porté aux nues et soutenu ses combats militants. Qu'il va changer la face du rock.

Ce 25 juillet, Dylan l'a mauvaise ; il a des comptes à régler avec l'un des membres du comité d'organisation du festival, le musicologue idéaliste Alan Lomax, au motif de s'être montré très condescendant, voire hostile à l'égard du rock et de Paul Butterfield Blues Band, un groupe de Chicago qu'il lui a présenté. Pour Lomax, ardent défenseur des traditions folk, point de groupe électrifié à Newport, fut-ce une formation aguerrie comme celle évoquée. Le Zim se sent humilié et se promet de garder un chien de sa chienne à Lomax. La veille de sa programmation, il répète quelques titres dans un manoir de Newport avec ces musiciens amplifiés comme pas deux... Dylan rumine sa vengeance.

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Chose promise, chose due.

Le lendemain, tout de noir vêtu, il apparaît sous les projecteurs accompagné, non pas de sa traditionnelle guitare acoustique, mais d'une Fender Stratocaster qu'il branche sur l'ampli. Et dans son dos, le quintet chicagoan annoncé : Mike Bloomfield (guitare), Al Kooper (orgue), Sam Lay (batterie), Jerome Arnold (basse) et Barry Goldberg (piano) constituent la fange complice des desseins revanchards de Dylan. Sa prestation est prise en sandwich entre Cousin Emmy et The Sea Island Singers, des artistes très ancrés dans le folk trad.

L'heure est venue, pour lui, de mettre ses projets à exécution et ainsi de défier le festival. Dès le premier accord, une onde de choc électrique fend le parterre présent. Les fidèles des premiers rangs, des folkeux de la première heure, n'apprécient pas.

Conspué, injurié par la faction folk.

Dylan s'en fout royalement et sans ciller, entame alors un lot de trois titres plus durs qu'à l'ordinaire, suscitant les réactions hostiles des puristes de folk, lesquels crient à l'hérésie ; le barde est hué comme il ne l'a jamais été, la grande majorité des spectateurs est consternée et ne lui pardonnera pas son passage à l'électricité.

Pas tous cependant car, à l'opposé, ces versions inédites trouvent l'adhésion d'une frange de l'auditoire plus rock. Elle aime et le fait savoir en dansant sur les notes du musicien rebelle qui, remonté contre les sifflets et les injures, ordonne à sa troupe, des bons soldats nourris au Chicago Blues, de monter dans les décibels. Une déferlante s'abat alors sur Newport, hâvre de paix des adeptes de gratte sèche jusqu'à ce fatidique 25 juillet 1965.


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«La puissance brute, personne n'avait jamais entendu rien d'aussi bruyant, a soutenu Elijah Wald. Beaucoup de gens estimaient simplement que le son était horrible. Le groupe écrasait Dylan. Les gens qui aimaient étaient aussi ébranlés que ceux qui détestaient.» (Elijah Wald)

Son avenir sera dès lors rock et électrique.

Dylan a finalement le dernier mot et ne faiblit pas d'un pouce jusqu'à la fin du set. Jamais il n'aura joué aussi puissamment. Une transition s'opère alors qui va affecter tout le rock. Dylan a, quant à lui, fixé sa vision artistique pour l'avenir. Il ne sera plus le protest-singer, le militant ou le porte-parole de la faction folk ; son demain sera électrique et rock.

Pete Seeger, icône du folk, grand aîné respecté de la jeune génération de folkeux émergeant dans les 60's (dont Dylan), est à deux doigts de couper les câbles avec une hache tandis que le maître de cérémonie Peter Yarrow, du trio Peter Paul & Mary, fait des pieds et des mains pour calmer tout le monde. Les quolibets fusent depuis une fosse gesticulante et de plus en plus menaçante : Dylan en un accord bascule de star adulée à pestiféré. Désormais, il est un traître et bon à jeter aux chiens.

 

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965 000 $ aux enchères.

Si les choses rentrent plus ou moins dans l'ordre quand Dylan, pour éteindre la fronde, réapparaît pour chanter quelques titres acoustiques soutenus à l'harmonica, Dylan signe là sa dernière prestation à Newport avant d'y revenir une ultime fois en 2002.

Newport et le 25 juillet 1965 marquent un tournant décisif dans l'histoire de la musique quand le folk et le rock trouvent enfin un point de convergence. La légendaire Fender Stratocaster utilisée pour cette performance fulgurante très controversée a été acquise aux enchères pour un montant-record de 965 000 dollars ; le mythique instrument a fait son retour à Newport à l'occasion de la commémoration des 50 ans de l'incident... sans son propriétaire dont le crime de lèse-majesté est pourtant depuis longtemps pardonné.

(Source : Razor)

 

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